C'est un peu "le jeu des 7 erreurs"... L'Albanie et le Kosovo ne sont qu'à 1500 km de la France : à peine quatre heures d'avion. Mais s'il vous prenait l'envie de vous rendre dans ces deux pays des Balkans et d'y allumer un poste de télé, vous pourriez avoir l'impression de n'avoir jamais quitté votre domicile !
Un internaute lecteur de nos forums a en effet découvert que des chaînes locales (Klan Kosova, Vizion Plus, ABC News...) n'hésitent pas à aller chercher l'inspiration du côté de l'hexagone lorsqu'il s'agit de mettre un habillage à l'antenne. Et la première victime se révèle être notre service public, France Télévisions, dont les kosovares semblent apprécier tout particulièrement les identités actuelles et passées.
Ainsi un ancien habillage de l'information de France 3, reproduit jusqu'aux plateau et synthés :
De même l'actuel habillage autopromotion de France 2 :
un pillage systématique
Des contrefaçons qui rappellent, en son temps, "l'affaire Powertürk", du nom d'une chaîne turque qui avait pillé l'habillage de M6. Sauf que cette fois, le plagiat semble aller beaucoup plus loin. Au fil de leurs recherches, les internautes ont révélé ce qui ressemble à un véritable univers parallèle, où les productions françaises sont systématiquement copiées.
Notre montage vidéo vous permet de plonger dans cette "quatrième dimension de l'habillage". TF1, Canal+, France 5, M6, W9, LCI, RTL9... toutes ces chaînes voient leurs travaux imités :
Ce pillage grossier pourrait prêter à sourire s'il n'était pas l'un des multiples visages que peut prendre la contrefaçon. D'après nos constatations, les chaînes hexagonales ne sont pas seules concernées, même si elles semblent être les premières victimes de ces détournements.
Alors que se tiennent actuellement des Assises de l'audiovisuel, cette affaire est une nouvelle illustration des difficultés que peuvent rencontrer diffuseurs, producteurs et créatifs pour faire valoir leurs droits. La tâche est d'autant plus grande lorsque, comme ici, le délit prend une tournure internationale.
les chaînes concernées entendent réagir
La chaîne kosovare KTV a relayé notre information dans son programme "Interaktiv", un talk skow très populaire. Selon une traduction partielle proposée par un lecteur franco-albanais de nos forums, l'animateur moque ses confrères qui se sont adonnés au plagiat mais évoque surtout un "secret de polichinelle" dans le paysage audiovisuel des Balkans...
Contactée par lenodal, la Direction Artistique de France 2 a été la première à réagir et nous indique que le service juridique de la chaîne va se saisir du problème. Même son de cloche du côté de M6 que nous fait savoir, par la voix de son DA, que le groupe privé entend « ne pas laisser passer cela ». Nul doute que d'autres chaînes vont leur emboîter le pas.
J. Magne - Dernière mise à jour le 12/06/2013 15:10
Nous poursuivons notre série d'articles consacrés au PromaxBDA Europe 2013. Après David Shing, nous vous proposons une rencontre avec Nikki Bentley, Business Director de l'agence BDA Creative. Après avoir travaillé pendant plus de 10 ans en Afrique du Sud pour la télévision et la publicité, elle a rejoint l'agence BDA à Londres pour piloter l'activité "branding" et son développement international. Son intervention au Promax a été l'occasion de l'interroger sur l'évolution de la stratégie de marque pour les diffuseurs, et la place du design dans ces transformations.
lenodal : Les marques TV sont bousculées par l'émergence des acteurs numériques. Quelles évolutions constatez-vous dans le secteur ?
N. Bentley : Effectivement, tout cela évolue très vite, c'est indéniable. Pour une marque, la clef du succès est d'entrer en dialogue avec son public, et je crois que les chaînes TV manquent encore de maturité en la matière. Certaines marques d'autres secteurs, dans le luxe notamment, travaillent depuis longtemps sur la relation directe avec leurs clients. C'est plus compliqué pour la télévision, qui est historiquement dans un fonctionnement en monologue, mais elle doit se nourrir de ces exemples.
Grâce aux nouveaux outils technologiques, un dialogue direct est justement possible avec le public : vous pouvez l'atteindre de différentes façons, sur différentes plate-formes, à différents moments... Cette relation, si elle est chaleureuse, fera revenir les consommateurs vers la marque.
La télévision est donc en train de rattraper un retard en terme de pratiques marketing ?
Tout à fait, d'autres marques communiquent déjà comme cela. On est au-delà du design, on est dans l'attitude : « Comment s'adresser aux gens ? Comment réagir à des événements ? Quelles sont les valeurs de la marque ? » Surtout, tout cela doit être fait avec honnêteté ; les entreprises ne peuvent plus duper les consommateurs ou forcer leurs attitudes. Il s'agit de créer du lien. Le design est un des ingrédients pour cela, mais pas le seul.
Les groupes premium et les cablo opérateurs ont un avantage décisif dans ce domaine, parce qu'ils sont les premiers à savoir qui sont leurs abonnés et peuvent exploiter ces données pour interagir avec eux.
Dans ce contexte, que reste-t-il au design graphique ?
Il reste important car il permet aux marques d'établir une connexion visuelle avec les gens. Mais on n'est clairement plus dans le design pour le design : il doit être utile et fonctionnel pour la marque, refléter son positionnement et ses valeurs.
2012 a vue une forte augmentation des synergies entre TV et réseaux sociaux : contenus spécifiques au web, explosion du “live-tweet”, apposition des hashtags et diffusion de messages pendant les émissions en direct... Trouvez-vous que producteurs et diffuseurs exploitent correctement ces nouveaux flux ou que cette pratique manque encore de maturité ?
Je crois qu'il y a bien plus à tirer de ces nouvelles technologies. Les professionnels ont pris conscience de l'ampleur du phénomène, mais nous sommes encore dans une phase d'expérimentation et d'apprentissage. Par exemple, en Angleterre, lorsque ITV diffusait "X Factor", les tweets étaient uniquement relayés sur le site web de la chaîne... C'est insuffisant. Il faut que les gens puissent interagir avec le programme, influer sur son déroulement.
Les données qui sont récoltées grâce à l'utilisation des réseaux sociaux sont une première étape ; ils aident les diffuseurs à avoir une idée plus précise des attentes du public et des futurs usages de ces médias. Nous savons par exemple que 40% des tweets émis pendant le prime-time ont trait aux programmes de télévision, ce qui est encourageant et relativise par ailleurs la prétendue baisse d'attractivité de ce médium.
Comment voyez-vous l'avenir de la télévision comme flux linéaire ?
Beaucoup ont annoncé sa fin et ça ne vient pas, parce qu'il y a une multitude d'événements (émissions en direct, sports...) qui impliquent une forme de rendez-vous entre le public et un hôte, en l’occurrence le diffuseur. Des études ont également montré que regarder un programme de flux sur un écran de TV crée un sentiment d'appartenance à un groupe, un "club". La télévision reste également un important prescripteur de tendances et un sujet de discussion pour les gens.
Pour moi, le plus gros problème qui se pose au secteur est la gestion des droits et la chronologie des médias. La télévision est une industrie mondialisée, dominée notamment par la production américaine de séries. Le fait de devoir attendre plusieurs mois après les USA pour regarder la dernière saison d'une série est très handicapant... Les réseaux sociaux, eux, n'ont pas de frontières. Voilà une attitude révélatrice : lorsque vous suivez une série, votre plus grande peur est de vous faire "spoiler". Autre exemple : je vis en Angleterre mais ne peux pas utiliser pleinement mon application BBC lorsque je suis avec vous, à Paris, à cause de restrictions géographiques. Ce modèle touche à sa fin.
Quelle est votre perception des marchés européens, notamment du marché français ?
Le marché européen est très intéressant car il est diversifié et en même temps relativement petit. Les USA sont un marché important car ce seul pays pèse plus de 400 millions d'habitants. En Europe, nous avons un ensemble de marchés de moyenne voire petite taille. Il me semble donc que, malgré les barrières culturelles ou linguistiques, il y a quelque chose à faire à une plus grande échelle. Les marques auraient ainsi une importance renforcée. Les nouvelles technologies nous poussent dans cette voie... Mais il y a tant à faire, à expérimenter et à apprendre. C'est un challenge incroyable à relever.
Premier article de notre série consacrée à l'édition 2013 du PromaxBDA Europe. La conférence a été inaugurée par David Shing, Digital Prophet d'AOL. Une intervention enthousiaste et inspirante, qui a dresse un état des lieux des tendances liées aux nouveaux usages.
lenodal : Lors de votre conférence, vous avez insisté sur le fait que les marques ne doivent plus seulement proposer du contenu au public mais établir un dialogue avec lui. Selon vous, où en est la TV dans ce domaine ?
D. Shing : La TV est en retard sur ce sujet, particulièrement en Europe. Le public devrait avoir plus que l'expérience d'un programme sur l'écran du salon. Les chaînes commencent à intégrer les réseaux sociaux en affichant à l'écran les hashtags de leurs programmes à l'antenne, mais ce n'est qu'une première étape. Le public veut vivre l'expérience télévisuelle de façon plus immersive, en obtenant des contenus annexes sur le programme qu'il regarde. Par exemple, si je regarde une série, je veux pouvoir en savoir plus sur les personnages ou sur les acteurs qui les incarnent.
Et cela passe par un terminal nomade...
Exactement. Comme je l'ai dit lors de la conférence, il faut cesser de parler du mobile comme d'un second écran. Le mobile EST le premier écran, vous l'emmenez partout. Je ne crois pas à la télé interactive comme "couche supplémentaire" sur l'écran de TV traditionnel. Cela passera par l'ensemble des périphériques que nous possédons. Tous ces médias doivent collaborer dans un écosystème où des métadonnées viennent rencontrer le public, selon ses intérêts.
Dans ce cadre, comment voyez-vous l'évolution la télévision comme mass media ?
La télévision restera un médium de masse, car elle s'adresse à une large audience. Mais elle doit aussi intégrer des pratiques issues du web, où l'on est capable de s'adresser à un individu en particulier. On est entré dans une nouvelle ère du marketing, où les entreprises peuvent communiquer de façon plus ciblée et plus connectée. Une marque comme Oreo l'a bien compris avec sa gestion du blackout durant le Superbowl.
Quelles perspectives peut-on en tirer ?
Dans le monde connecté, l'expression personnelle est devenu une source de divertissement pour les gens. Ils ne se contentent plus de publier des commentaires : ils prennent des photos, se filment... Et ils relaient des contenus qui leur plaisent. Pour les marques, attirer leur attention implique d'être brillant, drôle et de créer du dialogue. Par ailleurs, l'internaute est à la recherche perpétuelle d'un traitement de faveur : il veut se sentir VIP. Et il se sent comme tel lorsqu'il a l'impression que la marque s'adresse directement à lui en tant qu'individu.
Selon vous, quelles conséquences ces évolutions vont-elles avoir sur le design TV ?
L'écran TV a un énorme avantage : sa résolution. On a des dalles d'un mètre de diagonale avec une restitution magnifique. J'ai assisté récemment à une démonstration de projection en 8K (soit une image de 7680 pixels de largeur, NDLR), c'est juste époustouflant. La qualité des images sur l'écran de TV est en progression constante, et en même temps les marques doivent gérer les contraintes des périphériques mobiles. D'une manière générale, il me semble qu'elles doivent devenir plus fluides dans leur gestion du multi-écrans. Les flux d'informations, leur relation au contenu, doivent être plus dynamiques. Le design TV pourrait devenir "responsive", comme il l'est déjà sur le web.
Cela implique-t-il plus de simplicité dans l'habillage TV ?
Pas forcément. La simplicité est la marque de fabrique des périphériques nomades, du fait de la taille de leur écran. La taille de l'écran TV autorise des créations complexes... Mais il me semble que la simplicité doit remonter du mobile vers la TV non pas en terme de graphisme mais en terme d'intuitivité et d'expérience utilisateur. Pouvoir afficher les informations qui vous intéressent, qui vous concernent ou qui vous divertissent, c'est ça la TV interactive. Bientôt nous pourrons jouer avec nos écrans comme Tom Cruise dans Minority Report, les prototypes existent. Cela pourrait révolutionner les news TV, où ces nouvelles techniques seront sans doute utilisées de la façon la plus pertinente.