Deux mois après sa mise à l'antenne, la nouvelle identité visuelle de France 2 nous est désormais tous familière. Mais au-delà de la présentation que nous avions pu vous en faire, nous avons voulu en savoir davantage sur son élaboration, et les enjeux stratégiques qui lui sont liés. Nous vous proposons donc de découvrir les coulisses de ce nouvel habillage au travers d'une rencontre avec Stephen Harlé (France 2), Fred Grivois et Capucine Charbonnier (Gang Digital).
Le moins que l'on puisse dire de Stephen Harlé est qu'il connait bien France 2. Directeur Artistique depuis 2000, il a auparavant travaillé durant une dizaine d'années au service communication de la chaîne. Fred Grivois, qui se définit lui même comme un "électron libre", n'en connait pas moins bien la chaîne. Après avoir travaillé pour l'agence Gédéon ou comme indépendant pour des diffuseurs comme TF1 et MTV Asia, il a signé pour France 2 les jingles pub et idents des habillages lancés en 2002 (les "trompe-l'oeil", avec Wanda) et 2008 (les "splits", avec Ultimatum). Pour l'appel d'offres lancé en mai 2011, Fred Grivois s'est associé à l'agence Gang Digital, spécialisée dans la publicité multimédia et la communication 360°.
Fred Grivois et Gang Digital ont remporté les deux lots (idents d'une part, autopromotion d'autre part) de ce dernier appel d'offres à l'unanimité du jury. Celui-ci était composé, bien sûr, de la Direction Artistique de la chaîne mais également de l'ensemble des personnels de Direction concernés par ce changement d'identité.
pourquoi un nouvel habillage ?
"Ce changement était nécessaire pour la vie de l'antenne", lance en introduction Stephen Harlé. "Il s'agit bien sûr de rester dans l'air du temps mais aussi de changer de logique d'écriture. De mon point de vue, l'habillage précédent (lancé en 2008) était une étape intermédiaire imposée par le basculement de la diffusion au format 16/9, d'une part, et la suppression de la publicité après 20h, d'autre part. L'identité mise à l'antenne ce 5 septembre constitue une étape au moins aussi importante que ce qui s'est passé en 2002."
2011 marque en effet la fin du "traitement H", autrement dit d'un habillage safe 14/9 : désormais, l'identité de France 2 s'exprime en Full 16/9. Le bug antenne et les synthés se rapprochent un peu plus des bords de l'écran, l'espace-image est utilisé au maximum.
Ce projet est également l'occasion de mettre en place des règles rendant l'identité de la chaîne globalement plus cohérente ; par exemple, le bug antenne apparait désormais en haut à droite pendant les journaux, comme c'est le cas pour les autres programmes.
le flux comme un contenu premium
Mais le principal changement consiste donc en une nouvelle logique d'écriture, contrainte présente dans le brief de la chaîne comme dans la réponse apportée par l'agence. "Il s'agissait de re-'premiumiser', d'événementialiser le flux de France 2", explique Stephen Harlé.
Fred Grivois complète : "Aujourd'hui il y a une multitude de façons de consommer la télévision. On peut bien sûr l'enregistrer et la regarder en décalé, visionner les programmes en VOD sur pluzz.fr, sur son ordinateur, son smartphone... Mais ce qui fait la force de la télévision, encore maintenant, c'est qu'il s'agit d'un rendez-vous où l'on se retrouve ensemble, souvent en famille. Dans notre jargon interne, nous avons pris l'habitude de qualifier ce rendez-vous antenne d'avant-première... Il nous a donc semblé important de faire passer cette notion au premier plan."
Dans les bandes-annonces, la date et l'heure de diffusion sont les informations les plus visibles, avant le nom du programme.
l'autopromo
De là découlent la suppression des cartons-titres et la mise en valeur de l'horaire dans l'autopromo. Son design a été confié à la graphiste Amélie Vappereau. Diplômée de l'ESAG Penninghen, ancienne stagiaire au sein de la chaîne publique, elle a signé de nombreux génériques pour France Télévisions.
Eléments issus de la première présentation de l'agence à la chaîne
Stephen Harlé raconte : "Amélie a la connaissance des valeurs de France 2 mais surtout une incroyable capacité à organiser, structurer les nombreuses informations que l'on doit véhiculer au travers de l'habillage." Fred Grivois ajoute : "C'est le fameux 'design suisse' d'Amélie... Son travail est redoutablement efficace."
construire autour du logo
Fred Grivois précise ensuite : "Nous avions bien sûr plusieurs contraintes, à savoir la préservation du logo et de la typo Heldustry, ce qui est d'ailleurs beaucoup plus agréable en terme de créativité que de partir d'une page vierge. Une autre contrainte était d'assurer la lisibilité de l'habillage sur tous les supports que nous avons évoqués (pluzz.fr, smartphones...) ; c'est aujourd'hui incontournable. Partant de là, nous avons décidé de construire 'autour du logo' plutôt que de l'utiliser en tant que tel. C'est comme ça qu'est né l'origami."
Stephen Harlé complète : "En jouant sur les lignes de force du logo et lignes d'horizons des programmes, on donne du relief à l'image."
Eléments issus de la première présentation de l'agence à la chaîne
L'ouverture des bandes-annonces présente un mot résumant le programme. "Cela peut-être très informatif mais aussi décalé, ce qui est vraiment dans l'esprit de France 2 où l'on peut voir des bandes-annonces inconcevables ailleurs... J'ai en mémoire des montages particulièrement impertinents pour les films Matrix et Rambo 2. Du coup ce mot d'entrée devient un espace de liberté supplémentaire pour le rédacteur", explique Fred Grivois.
Cette refonte touche aussi l'habillage dynamique, avec un système plus ouvert permettant l'insertion de phrases complètes. Il n'est aussi plus cantonné à une zone précise de l'écran.
les idents : un jeu narratif
L'autre volet de l'appel d'offres concernait bien sûr les idents, déclinés en jingles pub.
"J'avais envie de proposer quelque chose de différent", lance Fred Grivois. "Le point nodal des habillages de 2002 et 2008 était le jeu visuel, qu'il s'agisse du trompe l'oeil ou du split. Ce jeu visuel devient maintenant un jeu narratif. On n'est plus dans une démarche purement graphique ; il s'agit de raconter une histoire."
Ces "histoires" ont été conçues en collaboration avec Thomas Bidegain (co-scénariste d'Un Prophète de Jacques Audiard) et Noé Debré, déjà rédacteurs sur les précédents idents. "On travaille souvent avec des scénaristes de cinéma. Ce genre de projets est un peu une récréation pour eux... En plus, Thomas et Nicolas connaissaient parfaitement les contraintes d'écriture des idents, à savoir l'impératif de pouvoir les décliner en versions courtes," explique Fred Grivois.
les idents : le tournage
"Ces idents ont été conçus comme de petits films de pub. Nous avons réunis environ 200 figurants... On peut dire que nous les avons épuisé : ce genre de tournage est très athlétique, il faut répéter encore et encore des actions précises pour différentes prises et divers angles de vue. Nous avons pu tourner 2 à 3 idents de 30 secondes par jour, sur 14 jours de tournage en Thaïlande... Avec dans nos bagages quelques accessoires originaux, comme les fameux ballons de rubgy France 2."
Feuille de tournage
Photos de tournage
Fred Grivois utilise deux caméras Red One MX, "qui permettent un meilleur rendu que le Canon 5D, très en vogue actuellement". Certaines idées non exploitables sur un format de 30 secondes ont également été tournées, pour une utilisation en jingles pub autonomes (certains sont actuellement très visibles sur l'antenne de France 2).
Stephen Harlé précise le message de cet habillage : "On reste dans le supplément d'âme de France 2, une grande chaîne de service public qui n'infantilise pas les spectateurs mais cherche à créer une connexion forte avec eux, à jouer l'impertinence."
Fred Grivois ajoute : "Je suis heureux de voir que la chaîne ait accepté de mettre à l'antenne des idents aussi 'osés'. J'entends par là qu'il fallait oser ne pas placer le logo de France 2 en plein pot mais l'intégrer dans le live action, inciter les gens à le retrouver. Il fallait oser placer les acteurs, miroirs des téléspectateurs, dans une situation de jeu... Je pense que c'est un pari pertinent : le jeu, la famille, en un mot le temps partagé deviennent des valeurs en eux-mêmes."
Stephen Harlé conclue : "Reste maintenant à faire vivre cette identité. La saison s'annonce chargée. Nous avons lancé un nouvel habillage pour 'Envoyé Spécial' le 6 octobre. On travaille bien sûr déjà sur Noël, mais je ne vous en dis pas plus pour l'instant ! Il y aura surtout la Présidentielle, les Législatives mais aussi les J.O. de Londres, l'Euro de football... Avec toute cette actu, je pense que notre habillage, basé sur le partage, a de beaux jours devant lui..."
Crédits
France 2 - Direction Artistique : Stephen Harlé, assisté de Stéphanie Rivaillon et Muriel Saule
Gang Digital - Conception, Réalisation : Fred Grivois ; Scénario : Thomas Bidegain, Noé Debré ; Graphisme : Amélie Vappereau ; Musique : Rob ; Production : Capucine Charbonnier, Jean Duhamel
Notre série d'articles consacrés aux nouvelles identités des chaînes éditées par MultiThématiques, à l'antenne mardi 17 mai, se poursuit aujourd'hui avec les chaînes pour enfants Télétoon+ et Piwi+.
Télétoon+
Destinées aux 6-10 ans, Télétoon+ bénéfice d'un habillage très animé et aux couleurs affirmées, créé par l'agence espagnole Vector Soul.
Olivier Schaack, Directeur Artistique de Canal+, nous présente cette identité : "Le logo, positionné conformément au gabarit commun, se déstructure en une série de "splashs". Ceux-ci font se déplacer la caméra dans un mouvement panoramique puis génèrent les typos ou cartouches qui vont s'inscrire à l'écran."
Près de 20 ans après le lancement (dans sa version analogique) de son bouquet Canalsat, le groupe Canal+ s'apprête à rebrander la quasi totalité des chaînes éditées par sa filiale MultiThématiques. Seules Jimmy, Seasons et Cuisine.tv échappent pour le moment au ravalement. En tout, ce sont donc 19 chaînes qui vont voir leur nom, logo et habillage évoluer.
En avant-première, Lenodal vous propose de découvrir cette semaine ces nouvelles identités et leur philosophie, au travers d'une série de six articles.
"Ce rebranding deviendra visible pour les spectateurs mardi 17 mai. Il peut sembler étrange de lancer ces nouveaux logos en milieu de semaine, mais cette date correspond à la mise en place d'un nouveau plan de service (NDLR : la redistribution de la numérotation de certaines chaînes du bouquet). Il n'y en a que deux par an, il fallait donc mettre les nouvelles identités à l'antenne dès le mois de mai... Ou attendre la fin de l'année", nous explique Ariane Esfandi, Directrice de la Communication de Canalsat.