Après un travail de plusieurs mois en interne et avec l’agence anglaise Devilfish, Canal+ met à l’antenne aujourd’hui un nouvel habillage pour ses 5 chaînes.
Point de départ du projet : le souhait de la chaîne de faire correspondre son habillage avec sa ligne éditoriale, en y intégrant mieux ses valeurs. Rencontre avec Olivier Schaack, directeur artistique de l’antenne de Canal+, qui explique pour lenodal les objectifs de cette nouvelle identité.
« Canal+ est une chaîne moderne, innovante et audacieuse. On propose des créations originales très pointues avec des magazines et séries qui ont un ton différent de ce qui se fait ailleurs. L’habillage d’Etienne Robial (précédent directeur artistique de Canal+ de 1984 à 2008 - NDLR),
qui restait très identifiable, avait un côté rigide que les gens commençaient à rejeter. Nous souhaitions adopter un habillage qui colle au regard que la chaîne pose sur le monde. »
En 2008, la chaîne lance un large appel d’offres auprès de 7 agences internationales : française, anglaises et américaines.
« Nous les avons sélectionnées pour leur capacité à proposer quelque chose de différent et d’innovant. En France, les chaînes se ressemblent beaucoup. On voulait se démarquer de ce que l’on peut voir ailleurs, par exemple éviter la 3D sur fond blanc » indique Olivier Schaack.
Fin 2008, la direction artistique retient 3 agences.
Après de nouveaux travaux et débats en interne, la chaîne lance un test auprès d’abonnés et de non-abonnés qui confirme son choix. Elle retient donc le projet de l’anglaise
Devilfish en février.
L’agence s’était notamment fait remarquer par la réalisation d’une bande-annonce originale pour les Simpson, qui reprend le générique de la série mais tourné en images réelles. Une démarche singulière dont l’agence a fait sa spécialité.
« Nous avions en tête les idents que l’agence avait réalisé pour la chaîne anglaise five, et notamment celui avec un requin qui mange le logo. On se disait : ce n’est pas de la 3D ! Et effectivement, lorsque nous les avons rencontré, ils nous expliqué avoir découpé les lettres du logo dans une matière spongieuse imbibée de sang. Ils sont ensuite partis au large et ont attendu qu’un requin arrive… Ce type de démarche nous a beaucoup plu. »
Malgré cette volonté forte de changement et d’innovation, la direction artistique a néanmoins décidé de conserver des éléments forts d’identification de Canal+, notamment le logotype :
« On ne fera pas mieux. Le logo qu’a conçu Etienne Robial ne s’est absolument pas démodé en 25 ans. Il était hors de question d’y toucher. Nous voulions aussi garder les typos, je dis bien "les" typos parce que souvent les gens limitent Canal+ à la Futura… mais on en utilise beaucoup d’autres comme celles utilisées pour le cinéma, pour le sport, etc. »
Le projet de l’agence part donc du logotype Canal+.
En le plaçant sur fond noir, le + ressort au centre de l’écran, et le découpe alors en 4.
« On reste géométriques et l’on crée en même temps un nouveau système. Il s’adapte à toutes les situations et nous permet de lier Canal+ à ses 4 petites sœurs Cinéma, Sport, Family et Décalé. Pour chaque chaîne, on applique un traitement particulier sur l’image.
La démarche commune à toutes les chaînes est le recherche de l’abstraction. On fait du graphisme avec des éléments réels, parce que Canal a véritablement une culture graphique, créée par Robial. On ne veut pas la renier, juste l’aborder différemment. »
Nous vous proposons de découvrir, chaîne par chaîne, comment se met en place cette recherche graphique.
Canal+
« Nous avons tourné des éléments réels en macro, avec des mouvements de rotations de caméra. On a utilisé, par exemple, des gouttes d’eau sur un pare brise filmé de l’intérieur, de nuit avec des gyrophares, des arbres, des particules, de la neige, des toiles d’araignée, du ciel, du feu… »
« Pour les jingles pub, nous avons filmé des écrans télé en macro. A l’image, on observe les pixels rouges, verts, et bleus »
Canal+ Cinéma
« On a gratté, peint, effacé de la pellicule, on l’a passé en télécinéma, en positif / négatif. Ces éléments ont ensuite été passés en post-production pour jouer sur la lumière et la faire ressortir, ce qui nous semble important pour le cinéma. On reste sur une dominante bleue pour la chaîne »
Canal+ Sport
« Nous avons filmé des sportifs en action devant un dispositif de 80 caméras pour mettre en valeur le mouvement tout en le suggérant. On ne décompose pas le mouvement, comme on peut le voir sur le nouvel habillage d’Infosport. Là, nous sommes plutôt fantomatiques. Parfois on reconnait tout de suite le sport… parfois c’est moins évident. »
Canal+ Family
« Contrairement aux autres chaînes, nous n’avons pas utilisé de prises de vues réelles mais des outils graphiques avec un jeu sur des couleurs vives. Dans chacune des fenêtres, il y a une animation d’éléments colorés. A chaque animation correspond un son, les quatre sons formant une musique. Lorsque l’on regarde l’écran et que l’on se focalise sur une fenêtre, on distingue le son qui lui est associé. »
Canal+ Décalé
« Cette chaîne, c’est Canal+ mais décalé dans le temps et dans le ton. Elle est délicate à habiller car on ne peut pas faire quelque chose de complètement différent de Canal+. On a donc joué sur cette proximité. Nous avons utilisé les mêmes rushs que pour Canal+ mais avec un montage dynamique, sur une musique plus "barrée". On incline les séparations de 5°, et au moment de l’apparition du logo, on remet tout à l’endroit. »
Les bandes-annonces
« En fin de bande-annonce, l’image est déstructurée : le dernier plan est coupé en 4 ; de cette façon la chaîne s’approprie davantage le programme. Le logo est posé au centre de l’écran et une fenêtre est réservée pour afficher les infos. »
La bande son
La chaîne a souhaité aussi conserver des éléments d’identifications historiques pour le son, voire même retrouver des sonorités peu utilisées dans l’habillage précédent.
« On a utilisé beaucoup de voix, qui ont toujours collé à l’image de Canal+. On a voulu aussi réintégrer le son « tchi » en fin de jingles, à l’image du « tchi tcha » qui avait disparu depuis quelques années.
Devilfish a travaillé avec le musicien anglais Malcom Goldie pour Cinéma, Sport et Family. Pour Canal+ et Décalé, notre demande était difficile à comprendre pour des anglais, qui n’ont pas la même culture télé que nous et surtout pas celle de Canal+. Nous avons donc fait intervenir Norbert Gilbert qui a travaillé avec nous dernièrement sur itélé, Infosport et Cinécinéma. Il connait parfaitement notre esprit. Il a réalisé avec l’agence la bande son de Canal+ et Décalé. »
Cet habillage a été conçu pour rester évolutif et s’adapter à tous les cas de figures.
« Pour un événement particulier, on pourra demander à un créateur, un styliste, un designer de venir habiller l’antenne pour une semaine, un mois… on reste ouverts sur l’extérieur. Ce système simple et identifiant nous permet de tenter des choses en permanence. Sur Family par exemple, on prévoit des déclinaisons pour les vacances scolaires et pour Noël »
Cette volonté d’épouser l’air du temps répond également à une évolution naturelle apparue à l’antenne il y a quelques années, lorsque les émissions ont commencées à être produites à l’extérieur. Pour celles ci, les génériques étaient conçus par la production de l’émission, alors que les productions internes étaient habillées par Etienne Robial au nom de Canal+.
« Cela n’avait pas de sens pour le téléspectateur puisque, pour lui, toutes les émissions d’une chaîne sont faites par la chaîne » nous explique Olivier Schaack. Il a donc fallu trancher pour définir une nouvelle cohérence. Désormais, chaque production – interne ou externe – habillera elle-même son émission, y compris « la matinale » ou les émissions sportives.
Pour Olivier Schaack, le nouvel habillage devient ainsi
« une prise de parole de la chaîne. On rappelle « vous êtes sur telle chaîne », on annonce « voici le beau film ou l’énorme match que l’on va vous proposer tel jour », et on identifie les cases de programmation : jeudi série, vendredi box office… »
Une charte a néanmoins été définie pour conserver une uniformité entre les programmes, par exemple sur
« la façon d’afficher les synthés ou les cartons de fin ».
Découvrez dès maintenant les éléments de ce nouvel habillage dans notre sélection :
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Olivier Schaack est entouré d’Olivier Degrave, en charge de l’artistique des antennes, et de Marc Lescop, en charges de tous les supports autres que l’antenne – comme le print.
Crédits : Devilfish : Richard Holman, Daniel Eatock, Grant Gilbert
Bande son : Norbert Gilbert, Malcolm Goldie
Canal+ : Olivier Degrave, Olivier Schaack